Du cannabis partout!

Nous passons par une période particulièrement chargée pour toutes les questions liées au cannabis. L’une des questions les plus en vue actuellement est sans doute la légalisation de la consommation de cannabis à des fins récréatives par les états du Colorado et de Washington, aux États-Unis. Ceci a ouvert la voie à un éditorial largement acclamé du New York Times qui proclame fermement que « Le gouvernement fédéral devrait lever l’interdiction sur la marijuana ». En novembre prochain, la légalisation fera l’objet d’un vote en Alaska, en Oregon et à Washington D.C.
Il en résulte que le président du Mexique Enrique Pena Nieto envisage de libéraliser les lois sur le cannabis, pour permettre à son pays de suivre le rythme de l’évolution de la situation américaine. Tout cela intervient après que le président Nieto et les présidents de la Colombie, du Costa Rica et du Guatémala aient persuadé l’assemblée générale des Nations Unies de convoquer une session extraordinaire (UNGASS) pour explorer d’autres solutions à la guerre inefficace contre les drogues (au Mexique seulement, on estime que 100 000 personnes ont perdu la vie ou ont été portées disparues suite à des cas de violence liés à la drogue). Plus au sud, le retard dans l’application d’un marché du cannabis légal et réglementé remet en question la mise en oeuvre de ce plan.

Ici au Canada, de nouvelles lois sur le cannabis médicinal ont vu le jour le 1er avril. Ces lois portent à confusion et font actuellement l’objet d’une injonction. Néanmoins, le gouvernement fédéral estime que cette industrie rapportera 1,3 $ milliards en 10 ans. Il n’est donc pas surprenant que les entrepreneurs d’un bout à l’autre du pays tentent de se positionner pour s’approprier une part du marché; demandes de licences, construction de serres et réaffectation de locaux industriels inoccupés, tels qu’une ancienne chocolaterie à l’extérieur d’Ottawa.

Le gouvernement envisage également d’apporter quelques changements à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances qui permettraient aux policiers d’émettre un constat d’infraction pour possession de petites quantités de cannabis, plutôt que de déposer une mise en accusation. Ceci pourrait représenter une avancée positive. Cependant, s’il devient plus facile pour les agents de police de traiter les délits mineurs liés au cannabis, les agents risquent individuellement d’arrêter d’utiliser leur pouvoir discrétionnaire au cas par cas et d’inscrire à leurs dossiers toutes les infractions mineures.

Il s’agit néanmoins d’une demi-mesure comparativement à ce qui se passe ailleurs en Amérique. Plus particulièrement lorsque l’on considère le nombre de Canadiens qui estiment que la possession simple ne mérite pas l’attention des corps policiers. Même les sondages menés par le gouvernement démontrent que plus de 70 pour cent des Canadiens soutiennent que le cannabis devrait être légalisé ou décriminalisé. Peu importe… Les conservateurs semblent avoir jeté leur dévolu sur les 30 pour cent restants, dénonçant l’approche pro-légalisation de Justin Trudeau et allant jusqu’à prétendre qu’il désire que les enfants d’âge scolaire puissent se procurer du cannabis dans les dépanneurs.

Pour couronner le tout, les américains contre la légalisation qui n’aiment pas ce qui se passe dans leur pays se sont immiscés dans le débat canadien et ont contribué au lancement du chapitre canadien de Smart Approaches to Marijuana. Il reste à voir si les Canadiens adopteront cette version diluée de la prohibition, c’est-à dire permettre un certain degré de décriminalisation tout en soutenant que le cannabis constitue une menace à la santé publique.

Quelle sera donc la prochaine démarche? Trudeau continuera-t-il à appuyer la légalisation au moment des élections ? Comment le débat national sera-t-il touché par le retour au Canada de Marc Emery (sans doute le plus célèbre défenseur canadien du cannabis) ? À quoi pouvons-nous nous attendre de la part des groupes s’intéressant au cannabis, tels que Sensible BC, NORML Canada et autres ?

Il est clair qu’un dialogue émerge au Canada et que l’année à venir promet d’être chargée.

Nous avons l’intention d’occuper une place de tout premier plan dans ce dialogue. Voici ce que nous envisageons :

Forum du cannabis médicinal de Mexico – du 22 au 23 septembre 2014
Dans le cadre de notre programme international, la CCPD appuie les efforts du Mexique visant à introduire le cannabis médicinal dans ce pays. Nous co-parrainerons en septembre, en partenariat avec plusieurs organismes mexicains, un forum sur le cannabis médicinal à Mexico. Des experts américains et canadiens prendront part à deux réunions, l’une parrainée par le Sénat mexicain (qui étudie actuellement une loi concernant la légalisation du cannabis médicinal) et une seconde réunion tenue à l’Université nationale autonome du Mexique, pour discuter de l’état d’avancement de la recherche sur le cannabis médicinal dans les trois pays.

Bulletin politique sur le cannabis – automne 2014
Nous travaillons actuellement à l’élaboration d’un bulletin politique décrivant à quoi pourrait ressembler la réglementation du cannabis dans un contexte de santé publique. Ce bulletin traite de l’histoire de l’interdiction du cannabis, des méfaits possibles en matière de santé et des dommages sociaux et sanitaires des politiques sur le cannabis, suivi d’un examen des mécanismes de régulation susceptibles d’équilibrer l’incidence du cannabis sur la santé des consommateurs et la recherche de profits de la part des intérêts commerciaux.

UNGASS – en cours
Tout ceci mène à la session extraordinaire de l’UNGASS en 2016. L’UNGASS est une réunion spéciale des états membres de l’ONU visant à discuter des questions globales importantes, telles que la santé, le genre, la situation des enfants, etc. Le thème central de 2016 sera les priorités du contrôle des drogues au niveau mondial, et nous nous attendons à ce que le forum engendre une nouvelle approche en matière de politiques sur les drogues, soit en parvenant graduellement à un consensus global, ou, plus vraisemblablement, en faisant éclater le concept qu’un consensus à l’échelle internationale est possible.

En prévision de l’UNGASS, nous demanderons « Quel rôle devrait jouer le Canada à l’échelle mondiale ? ». Appuierons-nous la vieille garde ? Les personnes telles que l’ancien président de l’Organe international de contrôle des stupéfiants de l’ONU, qui a accusé l’Uruguay de faire preuve d’« attitude pirate » en proposant de légaliser le cannabis ? Ou nous rangerons-nous du côté des réformistes progressistes qui soutiennent que les pays devraient être libres de formuler des politiques sur les drogues (cannabis ou autre) qui reflètent les comportements et les intérêts nationaux ? Notre tâche consiste à faire en sorte que cette dernière option prévale.

About Donald MacPherson

Donald MacPherson is the Executive Director of the Canadian Drug Policy Coalition and one of Canada’s leading figures in drug policy. In 2000 he published Vancouver’s groundbreaking Four Pillars Drug Strategy that precipitated a broad public discussion on issues related to addiction.